Je l’avoue humblement, à l’annonce de la nomination de Jean Marc Ayrault et de la composition de son gouvernement j’ai eu quelques doutes : ce gouvernement aura-t-il une réelle capacité à porter le projet d’une transformation écologique et sociale pourtant si urgente. Et puis, en deuxième lecture, je reconnais avoir été rassuré de voir dans la composition et la répartition des mandats des signes intéressants. Ce gouvernement peut faire de grande chose en matière de transition.
Ma première analyse n'était, en effet, pas très enthousiaste. Parmi les 34 ministres, seulement deux sortis des rangs écologistes. Au delà, aucun porteur reconnu des enjeux d’un développement plus soutenable, mais une représentation toujours importante de représentants de la social-démocratie la plus classique... Pas de surprise, ni notre nouveau président, François Hollande, ni son Premier ministre ne sont connus pour être particulièrement sensibles à la cause écologiste. Certes Jean-Marc Ayrault peut se targuer d’un bilan très honorable dans sa ville de Nantes, mais dans ses responsabilités nationales il est rarement apparu porteur des ruptures nécessaires pour mettre la soutenabilité au cœur du projet de société. Disons que nos nouveaux dirigeants représentent cette catégorie d’acteurs politiques qui ne sont pas
« contre » l’écologie, mais pour lesquels ces enjeux n’apparaissent que très marginalement sur leur radar politique.
« contre » l’écologie, mais pour lesquels ces enjeux n’apparaissent que très marginalement sur leur radar politique.
Cependant, en y regardant de plus près, je me suis senti beaucoup plus rassuré. Et je pense sincèrement que nous pouvons attendre de vrais changements de cette nouvelle équipe. Tout d'abord, et c'est une véritable innovation, nous avons la parité totale : 17 femmes - 17 hommes. Je fais parti de ceux qui pensent que les femmes sont probablement plus sensibles aux préoccupations de long terme et plus attentives aux générations futures. Cette parité devrait donc nous aider à faire passer les messages. Nous avons aussi une bonne équipe de trentenaires, représentant une génération naturellement plus sensible et plus à même de prendre en compte les défis de la transformation à engager. Plus intéressant encore, nous n’avons qu’une petite minorité d’énarques, alors que l’ENA fournissait jusqu’à présent le gros des troupes gouvernementales. Reconnaissons que les effets de « formatage » de ce creuset ont certainement bridé la créativité de ceux qui tentaient de s’écarter du modèle traditionnel de production promu par cette école, modèle dans lequel le développement durable reste une préoccupation marginale.
OK, les grincheux souligneront que les hommes de plus de cinquante ans trustent, une fois encore, les plus plus hautes responsabilités. C’est en partie vrai ! Mais tout de même se sont bien des femmes et des jeunes qui occupent certains postes importants: la justice, la culture et de la communication, la réforme de l'Etat, le porte parolat, l’économie sociale et solidaire, le développement, le numérique, le logement et les territoires, et, ne boudons pas notre plaisir, l'environnement et le développement durable ... En regardant de plus près ces deux derniers ministères, je vois deux raisons supplémentaires de satisfaction.
Cécile Duflot, dynamique leader d’Europe Ecologie Les Verts, hérite d'un portefeuille novateur combinant la solidarité territoriale et le logement. Nous savons que la transition énergétique dépend, avant toute chose, d’un plan ambitieux d’économie d'énergie et que le bâti – notamment résidentiel - représente le principal gisement de ces économies. Le Président a annoncé un vaste programme de rénovation de 600.000 logements et il incombera à la Ministre de mettre en œuvre ce plan très ambitieux. Mais il est également primordial de repenser l'aménagement du territoire, pour lutter contre l’étalement urbain afin de minimiser les besoins de mobilité, pour réduire le trafic routier et la consommation de carburant. Cette évolution est essentielle pour faire émerger des territoires sobres en carbone. Ce devrait être une des mission de la solidarité territoriale que de repenser les logiques d'aménagement pour combiner efficacité écologique et solidarité. Rassembler dans un même portefeuille, les efforts du court et moyen terme en matière de consommation énergétique des bâtiments, et la planification à long terme pour remodeler les territoires est une approche très pertinente. Confier ce portefeuille à une écologiste reconnue est une garantie que le sujet sera traité avec sérieux.
Nicole Bricq, nouveau ministre du développement durable, n'est pas connue pour son parcours écologiste, même si elle est ces dernières années, montée en première ligne sur la question des gaz et huiles de schiste. Elle est plutôt spécialiste de la fiscalité, des questions budgétaires et des finances. C'est justement pour cela que son arrivée au développement durable est intéressante. Elle est probablement la mieux placée pour promouvoir de nouvelles règles économiques et faire de la fiscalité un véritable levier de changement des modes de production et des habitudes de consommation.
J'ai eu la chance de collaborer avec Nicole Bricq au sein du Pôle écologique du Parti socialiste. J’ai apprécié sa compréhension profonde des défis structurels qui doivent être pris en compte pour promouvoir un nouveau modèle de développement plus durable.
L’autre bonne nouvelle est que l'énergie relève bien de la responsabilité de Mme Bricq. Or, la problématique énergétique est une composante évidente de toute stratégie de développement durable. Le plus grand défi pour notre nouveau ministre sera de lancer le grand débat public sur l'avenir de l'énergie en France, débat promis par notre Président. C'est là que la réalité politique va demander toute l’expérience de Nicole Bricq. Dans un pays dominé de longue date, par le lobby nucléaire, il sera très difficile d’élargir ce débat aux enjeux énergétiques pris dans leur ensemble, et de ne pas s’enfermer dans un énième échange aussi vain qu’irritant entre pro et anti nucléaire. Gageons que le profil modéré de la ministre – au moins sur cette question – permettra de rassurer les protagonistes des positions les plus polarisées, permettant ainsi l’émergence d'un débat au fond, véritablement prospectif, pour façonner la politique énergétique dans laquelle la France devra s’engager dans les prochaines années. Car cette transition énergétique ne devra pas simplement être pensée avec rigueur, elle devra aussi faire l’objet d’une appropriation forte par la société dans son ensemble.
J'ai eu la chance de collaborer avec Nicole Bricq au sein du Pôle écologique du Parti socialiste. J’ai apprécié sa compréhension profonde des défis structurels qui doivent être pris en compte pour promouvoir un nouveau modèle de développement plus durable.
L’autre bonne nouvelle est que l'énergie relève bien de la responsabilité de Mme Bricq. Or, la problématique énergétique est une composante évidente de toute stratégie de développement durable. Le plus grand défi pour notre nouveau ministre sera de lancer le grand débat public sur l'avenir de l'énergie en France, débat promis par notre Président. C'est là que la réalité politique va demander toute l’expérience de Nicole Bricq. Dans un pays dominé de longue date, par le lobby nucléaire, il sera très difficile d’élargir ce débat aux enjeux énergétiques pris dans leur ensemble, et de ne pas s’enfermer dans un énième échange aussi vain qu’irritant entre pro et anti nucléaire. Gageons que le profil modéré de la ministre – au moins sur cette question – permettra de rassurer les protagonistes des positions les plus polarisées, permettant ainsi l’émergence d'un débat au fond, véritablement prospectif, pour façonner la politique énergétique dans laquelle la France devra s’engager dans les prochaines années. Car cette transition énergétique ne devra pas simplement être pensée avec rigueur, elle devra aussi faire l’objet d’une appropriation forte par la société dans son ensemble.
Donc, jusqu'ici, tout va bien Monsieur le Président ! Il semble bien que nous ayons la bonne configuration et les bonnes personnes en place, n’ont pas pour faire des coups d’éclat et des annonces tonitruantes, mais pour instituer les bases d'un véritable changement de long terme. C’est exactement ce dont notre pays a besoin. Au boulot !
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Bruno Rebelle |
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Directeur de Transitions, agence conseil en développement durable Ancien responsable de Greenpeace en France et à l'international |
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| Par Bruno REBELLE | Vendredi 18 Mai 2012 à 06:24 | 1 commentaire