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"Face aux crises, une solution : la conversion écologique et sociale de notre société"

Billets / Tribunes

| Par Bruno REBELLE | Mardi 22 Mai 2012 à 23:23 | 1 commentaire

Interview donnée le 22 mai à Claire Avignon de l'Agence AEF Développement Durable


La composition du gouvernement est « favorable » à la transition énergétique prônée par François Hollande lors de sa campagne présidentielle, juge Bruno Rebelle, dirigeant de la société de conseil Transitions, auprès d'AEF Développement durable, lundi 21 mai 2012. L'ancien dirigeant de Greenpeace et conseiller environnement de Ségolène Royal en 2007, avait d'abord exprimé des réserves quant à la nomination comme Premier ministre de Jean-Marc Ayrault (AEF n°13725). Toutefois, il considère que les nominations de Nicole Bricq (Écologie, Développement durable et Énergie) et de Cécile Duflot (Égalité des territoires et Logement) sont des « signes positifs » de même que celles de Pierre Moscovici à Bercy, de Pascal Canfin au Développement ou encore d'Aurélie Filippetti à la Culture.

AEF : Comment définiriez-vous la « transition énergétique » que souhaitent mettre en oeuvre le président de la République François Hollande et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault?

Bruno Rebelle : C'est avant toute chose sortir de la dépendance aux énergies fossiles (pétrole, gaz…) et fissiles. Ces énergies présentent des risques pour les court, moyen, et long termes. L'accent doit être mis sur la sobriété et sur l'efficacité. Une fois ces efforts réalisés, la France aura un volume de besoins énergétiques moins important. Elle pourra alors engager la transition vers un modèle avec très peu de risques. Mais pour opérer cette transition, il faudra absolument travailler au plus près des citoyens. Je rappelle que 50 % de la consommation énergétique est liée aux actes quotidiens : se loger, se chauffer, se déplacer…

AEF : Dans un texte publié dans « La Tribune » du 23 mars, vous insistez, avec les député PS François Brottes et Alain Rousset, sur l'importance de la décentralisation en matière d'énergie.

Bruno Rebelle : La décentralisation est un instrument nécessaire pour optimiser cette transition. Les collectivités locales sont les mieux placées pour mettre en oeuvre cette transition, notamment pour l'étape de développement des capacités de production d'origine renouvelable. Il faudra utiliser une multitude de ressources, l'éolien, le solaire, le photovoltaïque (au sol, sur les toits…), l'hydroélectricité, la géothermie (profonde, peu profonde), etc. Pour cela, il sera nécessaire d'être au plus près du potentiel des territoires et de sortir du modèle des grosses unités centralisées. Les régions seront particulièrement bien placées grâce à leurs compétences en matière de développement économique et de formation professionnelle.

AEF : Sont-elles prêtes?

Bruno Rebelle : Non seulement elles sont prêtes, mais elles le demandent depuis longtemps, avec l'acte III de la décentralisation qu'elles appellent de leur voeu.

AEF : Plus globalement, François Hollande souhaite la « transition écologique »? Que signifie-t-elle ?

Bruno Rebelle : En prenant modèle sur la transition énergétique, il s'agit de diminuer les consommations et d'optimiser les usages des ressources qui sont limitées sur la planète, en développant une agriculture avec moins de consommation d'intrants, et qui optimise les liens entre les territoires, en travaillant sur l'ensemble du cycle de vie des produits, en optimisant toutes les étapes de production de l'amont à l'aval.

AEF : Comment le gouvernement peut-il intervenir ?

Bruno Rebelle : L'une des mesures importantes sera une réforme fiscale radicale. Il faut prendre le problème à la racine, que la fiscalité pèse sur les ressources plutôt que sur le travail. Nous devons donner leur vraie valeur aux produits en intégrant leur impact sur l'environnement.

Une autre réforme importante sera celle du système de gestion des déchets. Une réforme de fond d'Eco-Emballages est nécessaire, afin que les acteurs aient intérêt à diminuer leur consommation de ressources.

AEF : Où en sera-t-on de ces transitions à la fin du quinquennat ?

Bruno Rebelle : La transition énergétique dans un pays comme la France va prendre quinze à vingt ans. Il faut donc s'y mettre le plus vite possible. Le premier temps sera celui du débat, de la pédagogie. Il devrait prendre environ un an. Le débat devra être vaste, il ne s'agira pas de se prononcer pour ou contre le nucléaire, mais de définir la transition énergétique. Il faudra faire comprendre qu'il n'y a pas de solution sans certaines nuisances, alors que pendant longtemps, on a fait croire le contraire.

AEF : Quelle sera la phase suivante?

Bruno Rebelle : Il faudra arbitrer entre les différentes solutions et les différentes nuisances qui y sont liées. Cette phase de construction des arbitrages devrait également prendre un an. Elle ne devra pas être menée par les directeurs de l'administration centrale, ce sera aux citoyens d'affirmer ce qu'ils veulent et ce qu'ils ne veulent pas. Même si, au final, les ministres trancheront.

AEF : Dans cette perspective, comment analysez-vous la composition du gouvernement?

Bruno Rebelle : Elle est plutôt favorable à la prise en compte de ces enjeux. L'énergie est redevenue une compétence du ministère de l'Écologie. Nicole Bricq pourra porter le débat avec l'envergure avec laquelle il doit être porté. De plus, elle connaît bien les questions de fiscalité.

Quant au périmètre du portefeuille de Cécile Duflot (Égalité des territoires et Logement), il est intelligent, car il permet de traiter le court, le moyen, et le long terme.

AEF : Est-ce suffisant?

Bruno Rebelle : Vous avez d'autres signes positifs : Pierre Moscovici [ministre de l'Economie, des Finances et du Commerce extérieur] a beaucoup progressé sur ces questions ces dernières années. Il y a la création d'un ministère de l'Économie sociale et solidaire, d'un ministère du Développement. Pascal Canfin (EELV) pourra ainsi croiser les enjeux environnementaux avec ceux du développement. Or, la transition énergétique, c'est favoriser l'autonomie des territoires, y compris à l'étranger. Les énergies renouvelables seront les énergies de la paix.

Il y aura également Aurélie Filippetti à la Culture qui pourra porter les questions environnementales, ou encore Vincent Peillon qui pourra insister sur l'éducation à l'environnement. Ce sont des gens bien préparés.

AEF : Nicole Bricq est neuvième dans le rang protocolaire. Lors des précédents gouvernements, Jean-Louis Borloo était le numéro deux, Nathalie Kosciusko-Morizet numéro quatre.

Bruno Rebelle : Il faut voir ce qu'on fait du rang ! Nathalie Kosciusko-Morizet était certes numéro quatre, mais elle est partie six mois avant la fin du quinquennat. Cela montre bien l'intérêt de l'ancienne majorité pour le sujet… Tout cela était factice.

AEF : En 2007, les ONG étaient arrivées en position de force lors du Grenelle de l'environnement, grâce au pacte de Nicolas Hulot et à la création de l'Alliance pour la planète. Comment analysez-vous leur poids en 2012?

Bruno Rebelle : C'est grâce à la détermination des ONG que les questions de transitions énergétique et écologique sont devenues incontournables. Ce qui est dommage, c'est qu'elles n'ont pas réussi à faire comprendre que le développement durable est une stratégie de sortie de crise. Elles peuvent encore reprendre la main sur cette partie du débat.

AEF : La transition énergétique peut-elle se faire sans taxe carbone?

Bruno Rebelle : Mettre une vraie valeur sur les produits et prendre en compte leur impact sur l'environnement passe par une contribution climat-énergie, terme que je préfère à taxe carbone. Il faut qu'on apprenne à payer le vrai prix des choses. L'idée de relancer le débat au niveau européen est une bonne chose, mais la France pourrait prendre l'initiative de mettre en place rapidement une taxe en France. On peut espérer que le rapport de forces évolue.

AEF : Quel peut être le rôle des entreprises dans cette transition?

Bruno Rebelle : La question du reporting et de la gouvernance est importante. Il faut une meilleure représentation des parties prenantes internes dans les conseils d'administration, et que les parties prenantes externes y aient accès. Elles doivent également avoir plus de moyens pour agir. Quant au reporting, il faut être sérieux : ce n'est pas une contrainte énorme pour les entreprises ! Et quand elles le font sérieusement, elles gagnent en productivité, car elles voient des choses qu'elles ne pouvaient pas voir auparavant.

Bruno REBELLE

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