Facebook Twitter Flickr Dailymotion Rss
 

"Face aux crises, une solution : la conversion écologique et sociale de notre société"

Billets / Tribunes

| Par Bruno REBELLE | Mercredi 16 Novembre 2011 à 07:48 | 0 commentaire

Déjà en 2007, lors de la campagne présidentielle, la construction de l’EPR avait été l’objet de fortes tensions. Les débats opposaient alors pro et anti à l’intérieur même du parti socialiste. Conseiller de Ségolène Royal, j’avais du batailler dur pour arracher l’arbitrage aboutissant à la déclaration d’une « mise à plat du dossier ». Cinq ans, après les positions restent bloquées sur les mêmes arguments, en dépit d’un contexte radicalement différent… Que peut-on retenir de ces balbutiements de l'histoire politico-nucléaire?


Avant même le démarrage officiel de la campagne, en décembre 2006, tout le monde avais compris le caractère symbolique d’une déclaration concernant la nécessité de sursoir, ou pas, au développement de la tête de série du nouveau réacteur EPR à Flamanville. Je ne me souviens plus du nombre d’argumentaires qu’il a fallut produire pour tenter de trouver un accord. Je me rappelle en revanche très bien que c’est par la concertation que j’ai pu finalement faire bouger les lignes.

Tentant de m’appuyer sur la position officielle des députés socialistes qui avaient voté contre la décision du gouvernement UMP d’engager la construction de l’EPR, j’ai essuyé ma première déconvenue. Ces élus m’ont gentiment expliqué qu’ils n’avaient voté contre que parce qu’ils savaient que leur opposition seraient sans effet et qu’ils pouvaient donc se permettre ce coup d’esbroufe sans mettre en danger un projet auquel il restaient, sur le fond très attachés. Toujours la même antienne : la grandeur industrielle de la France, l’excellence atomique hexagonale, la souveraineté énergétique…

J’ai pourtant réussi avec François Brottes, député de l’Isère et grand connaisseur des questions énergétiques à monter une concertation. Nous avons, ensemble, audité près de trente experts de divers horizons. Il en avait choisi 10, j’en avais recruté 10 également et, nous en avions conjointement identifié une autre dizaine. Bien évidemment, ce panel éclectique allait de responsables d’Areva aux spécialistes de Greenpeace en passant par divers experts d’EDF, de RTE, des associations, du mouvement Négawatt et du Syndicat des Energies Renouvelables. Au terme de ces auditions, c’est François Brottes qui a tiré le premier la conclusion qu’il était urgent d’attendre. Aucun argument, ni énergétique – un soit disant besoin de produire plus d’électricité –, ni industriel – l’urgence de faire la démonstration que l’EPR, ça marche – n’avait pu le convaincre de la nécessité de poursuivre la construction de l'EPR. Notre autre conclusion était que la décision de construire, ou pas, un nouveau réacteur, ne se présenterait impérativement aux décideurs qu’autour de 2015 – 2020.

La communication de notre recommandation – arrêter le chantier de Flamanville qui n'en n'était qu’aux fondations – avaient alors suscité, vous l’imaginez, de nombreuses réactions. Eric Besson, qui était encore socialiste – au moins par son adhésion au PS – avait été particulièrement injurieux, méprisant mon travail mais aussi celui de ses pairs. D’autres, dont le premier secrétaire de l’époque et candidat officiel aujourd’hui ont été plus subtil en proposant l’idée de la « mise à plat » du dossier. Cette posture prudente aura finalement été retenue et annoncé en direct au journal de France 3 à Caen, à quelques kilomètres de Flamanville.

L’accord scellé hier entre EELV et le PS nous ramène donc à cet état de 2007, où le PS dit, sans le dire vraiment, qu’il ne sait plus quoi faire de cette « patate chaude » qu’est devenu l’EPR. Car enfin, comment qualifier de projet d’avenir un chantier qui a mi-parcours a vu son coût et sa durée de réalisation multiplier par deux ? Comment soutenir cette option technologique dont les fondements en matière de sécurité sont remis en cause par les autorités concernées en France, en Grande Bretagne et en Finlande ? Comment surtout, après Fukushima, refuser d’étudier sérieusement l’hypothèse d'une sortie du nucléaire et comment justifier, alors, la construction d’une nouvelle unité de production électronucléaire dont on a aucun besoin dans les 10 ans qui viennent.

Le courage en politique devrait être aussi de reconnaître que l’on a pu se tromper, que le contexte à changer, et que ce qui était hier un projet d’avenir, peut-être dès aujourd’hui un projet dépassé. Le courage se devrait être de faire l’analyse approfondie des tenants et des aboutissants en écoutant sereinement toutes les positions, en respectant tout autant la parole des citoyens que celles des experts de l’industrie.

On a beaucoup dit que François Hollande n’avait rien lâché pour affirmer son « autorité présidentielle ». Il se pourrait bien que l’autorité sans courage n’ait aucun sens. Gageons que le candidat socialiste saura faire preuve d’une nouvelle forme d’autorité, une autorité qui affirme, avec courage, la grandeur de reconnaître qu’on ait pu se tromper.

Bruno REBELLE

Facebook Twitter LinkedIn Google Viadeo Pinterest




Le Blog de Bruno Rebelle © 2010