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"Face aux crises, une solution : la conversion écologique et sociale de notre société"

Billets / Tribunes

| Par Bruno REBELLE | Dimanche 2 Décembre 2012 à 19:36 | 4 commentaires

Me voilà donc embarqué dans le Comité de pilotage du débat national sur la transition énergétique. Après avoir, avec quelques collègues, investi – spontanément et à titre bénévole – pour contribuer à la préparation de ce débat et en cerner, autant que possible, les conditions de réussite, nous avons eu le plaisir de constater que la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre avait retenu la plupart des recommandations que nous avions formulées concernant l’organisation de ce débat. Sollicité par la Ministre Delphine Batho, j’ai accepté de siéger dans ce Comité qui devra veiller à la qualité des échanges, à la transparence du débat et à la prise en compte de tous les points de vue, et je l’ai fait pour deux raisons.


La première est que ce débat est urgent et nécessaire. La transition énergétique est un impératif pour notre société qui doit réduire significativement ses émissions de gaz à effet de serre, limiter sa dépendance aux ressources énergétiques importées (pétrole, gaz, uranium) et assurer, au meilleur coût, l’approvisionnement en énergie des ménages, des entreprises, des collectivités et des services publics. L’ampleur des mutations à engager impose de mettre en débat, entre tous les acteurs de la société, les choix qui devront être opérés. Car, au delà des options techniques et organisationnelles, c’est bien d’un nouveau projet de société que nous devrons débattre, d’un projet où les maîtres mots seront sobriété et efficacité et où la structure de la production d’énergie pour satisfaire nos besoins maîtrisés, aura été complètement redéfinie, entre autre pour faire plus de place aux systèmes déconcentrés et décentralisés. Cet enjeu sur le fond est indissociable d’une réussite du débat comme processus démocratique.

Là est la seconde raison de ma participation. En effet, il reste à faire dans notre pays la démonstration qu’il est possible de débattre sereinement d’un sujet complexe en évitant que les échanges ne soient confisqués par les « experts » et qu’au contraire chaque acteur de la société s’implique et participe pour faire état de ses attentes, de ses propositions et de ses possibles engagements. Le débat national sur la transition énergétique pourrait être un grand moment de démocratie participative.

Je suis donc particulièrement heureux de pouvoir contribuer à la concrétisation de cette double ambition : dessiner la transition énergétique urgente et nécessaire, et expérimenter une forme de concertation publique sur un sujet complexe pour faire progresser la capacité de délibération collective dans notre société.

Certes la tâche n’est pas simple. Nous devrons installer les conditions d’une mise en mouvement de la société autour d’un projet mobilisateur en proposant un cadre de débat ouvert, associant fortement les acteurs, les territoires et les citoyens, pour favoriser l’appropriation des enjeux de la transition énergétique et donc l’implication du plus grand nombre. Nous devrons partager, aussi largement que possible, l’état des lieux des enjeux environnementaux, industriels, économiques et sociaux de la mise en œuvre de la transition énergétique. Nous devrons identifier les contraintes à court et à long terme, pour faire émerger des choix conformes à l’intérêt général et fixer les objectifs de sobriété et d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables pour construire collectivement une vision d’avenir commune donnant un sens positif à la transition énergétique. Surtout il faudra instaurer un climat de confiance sur le respect des intérêts en présence, afin de consolider l’engagement des acteurs, des citoyens et des décideurs dans la mise en œuvre de la transition énergétique. Cette « pacification initiale » sur un sujet qui fait, en règle générale, l’objet d’oppositions frontales et de confrontations tournant souvent à la caricature, est absolument essentielle. Si déjà nous pouvions, à l’issue du débat, constater que les acteurs ont appris à échanger dans la sérénité, qu’ils se sont mis d’accord sur un certains nombres de faits jusque là contestés, alors nous auront déjà fait un bon bout de chemin. En effet, ce n’est pas au cours des 7 mois du débat que nous pourrons arrêter toutes les options pour consolider une trajectoire de transition énergétique à l’échéance 2050. Nous devrons, dans les années qui viennent revenir à la table de négociation et il est donc essentiel que nous construisions les conditions d’un échange durablement pacifié.

La difficulté de ce débat est aussi de nous placer dans une perspective de long terme, alors que tout – nos contraintes quotidiennes, la gravité des urgences écologiques et sociales du moment, la pression de projets qui apparaissent contraire à ce que nous voudrions construire à moyen et long terme – nous pousse à nous focaliser sur le court terme. La transition énergétique repose sur une vision d’avenir qui place la question des services rendus par l'énergie au centre de la réflexion. Aussi, nos débats devront intégrer la dimension européenne et internationale des enjeux de la transition, et s’ouvrir à ce titre à la participation d’acteurs au delà du champ franco-français.

Les débats devront se structurer d’abords autour de l’analyse des besoins de notre société en énergie en valorisant tous les potentiels de sobriété et d’efficacité, pour ensuite, et ensuite seulement, traiter les options possibles et souhaitables pour la couverture de ces besoins maîtrisés. Dans cette analyse des différentes options concernant l'évolution du mix énergétique, nous devrons alors aborder avec attention la question de l'évolution des emplois. Si nous perdons des emplois dans certains secteurs, nous en gagnerons dans d'autres. Nous devrons donc raisonner en "bilan net en emplois". Nous devrons surtout anticiper les mutations de compétences qu'il faudra accompagner. La bonne nouvelle est que la transition ne se fera pas en 2 mois ni en 2 ans mais plutôt en 2 ou 3 décennies : un espace temps qui, si nous anticipons correctement, permettra de gérer les transformations nécessaires sans drames sociaux.

Surtout le débat devra intégrer la dimension temporelle des choix à opérer, et relier les efforts et bénéfices communs mis en discussion à court terme, avec la préservation des biens communs à moyen et long terme. L’identification de cette transition d’intérêt général, des marges de manœuvre et des contraintes qu’elle doit intégrer mettra alors en tension les préférences collectives à arrêter entre des options « incontournables » et des options « interdites ». C’est bien cette tension que nous devrons apprendre à gérer collectivement.

Bruno REBELLE

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Commentaires

1.Posté par Emmanuel Grenier le 03/12/2012 09:43
Bonne chance pour ce grand dessein d'organiser un grand débat démocratique sur l'énergie ! Mon expérience des débats citoyens sur les déchets nucléaires ou sur Flamanville me rend assez pessimiste sur la possibilité d'impliquer vraiment le citoyen "lambda". On n'y voyait que des gens déjà mobilisés, pour ou contre. Mais très peu de gens venus se faire une opinion.

Mais je pense comme vous (j’ai noté que c’était d’ailleurs l’un des rares sujets de consensus entre vous et Jancovici, lors de votre débat dans la matinale de Patrick Cohen) que l’éducation du citoyen sur le thème complexe de l’énergie est fondamentale.

Il me semble qu'il aurait été utile que vous récusiez plus clairement le fondamentalisme de Greenpeace. Il y avait dans la composition initiale du comité de pilotage trois personnes plutôt antinucléaires (vous même, Jouzel et Tubiana) et deux personnes pronucléaires (Lauvergeon et Colombani). Il semble qu'une minorité de deux sur trois, c'était encore trop pour Greenpeace, qui semble n'accepter le débat que quand tout le monde partage ses idées !

Je pense que les ONG avaient raison de dénoncer la présidence du comité par Delphine Batho, mais saisir cet argument pour ne pas participer me paraît fallacieux. Cela s’apparente à du sabotage du débat citoyen que vous appelez de vos vœux.

2.Posté par Proteos le 05/12/2012 21:37
Comme le commentateur précédent, je suis assez sceptique sur les chances de faire une percée en termes d'éducation du public. Il s'agit de sujets complexes, difficiles à résumer pour passer en 30s à la TV. Et je suis assez d'accord que ne viennent aux réunions publiques que ceux qui ont déjà une idée tranchée sur la question. Autre point: le débat a été lancé après avoir été annoncé depuis l'installation du gouvernement. On annonce un site web ... mais il n'est toujours pas là, même si ce n'est que pour y mettre la charte, quelques mots d'explication et la photo des membres du comité de pilotage (comme vous). 6 mois pour faire un site web, de nos jours, c'est un peu long, non?

Pour ce qui est de la pacification, c'est déjà raté, 2 ONGs et non des moindres ont saisi le premier prétexte pour ne pas venir. Je constate aussi que ce n'est pas le premier exercice du genre, que ce soit sur la totalité ou une partie du sujet. Une masse de documentation impressionnante a été produite, une partie est directement accessible sur le web. Alors, évidemment, il faut se coltiner une doc très technique mais sur de tels sujets, c'est inévitable, après tout il y a des contraintes physiques et économiques (entre autres). Ce qui fait qu'il y a forcément une grosse part d'expertise, sans guillemets, dans ce débat.

Par ailleurs, il semble quand même que les hypothèses de départ fixent une grosse part des décisions. En clair, à quoi ça sert de discuter dès lors que des éléments dimensionnants sont déjà fixés et qu'on ne reviendra pas dessus? Pour finir, déclarer que le futur va forcément aux systèmes décentralisés, affirmé de façon générale, je pense que c'est largement faux. La meilleure preuve est ce qui se passe au niveau de l'électricité en France et en Allemagne.

3.Posté par Emmanuel Grenier le 07/12/2012 14:52
Il semble que Bruno Rebelle n'ait pas trop le goût du débat. Il n'a que deux commentaires sur son site et il ne prend même pas la peine d'y répondre.

Je rejoins "Proteos" pour dire que les systèmes décentralisés sont condamnés par les ENR intermittentes, qui ont au contraire besoin impérativement du réseau pour fonctionner en sécurité.

Cf les études CIGRE qui montrent l'impact sur la taille du réseau du développement de l'éolien.

4.Posté par Lee le 11/12/2012 17:38
Monsieur rebelle, quid de la filière nucléaire au thorium ? Quelle est votre position sur cette solution réaliste et écologiquement responsable qui engage notre avenir à tous ?

http://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/le-thorium-peut-il-remplacer-l-105480
http://www2.cnrs.fr/journal/736.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9acteur_nucl%C3%A9aire_%C3%A0_sels_fondus

(Mon commentaire est tout sauf du trolling - renseignez-vous: !)

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