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"Face aux crises, une solution : la conversion écologique et sociale de notre société"

Billets / Tribunes

| Par Bruno REBELLE | Dimanche 21 Avril 2013 à 20:17 | 0 commentaire

Avec l’avancée du débat les positions des différentes familles d’acteurs s’affirment. On aurait pu penser que ces acteurs rivaliseraient de créativité pour proposer les solutions les plus adaptées à la couverture des besoins maîtrisés d’une société répondant enfin avec la rigueur nécessaire à l’impératif climatique. On aurait pu penser aussi que tous avaient compris et admis que notre politique énergétique devait évoluer : nécessité de réduction des émissions de gaz à effet de serre, augmentation régulière des prix de l’énergie, précarité énergétique préoccupante d’une part trop importante de la population, vieillissement de certaines installations de production, besoin de compétitivité et de création d’emplois,… pour ne citer que les principales raisons de cette transition.
Qu’elle ne fut pas ma surprise à la lecture des premières propositions que le Groupe de contact des entreprises de l’énergie souhaite verser au débat. Au delà de l’ambition du titre : « Produire en France pour réussir la transition » ces propositions laissent pantois…
La transition serait-elle impossible pour les entreprises ?


La première faiblesse de ce texte tient à la priorité donnée à l’amélioration de la compétitivité des entreprises sans aucune considération pour les enjeux climatiques. Ce raisonnement est illogique voire irresponsable. Il feint d’ignorer que des entreprises, mêmes prospères, n’auront aucun avenir, si on laisse se dégrader les conditions écologiques planétaires…

Je ne reproche pas aux entreprises de plaider pour la compétitivité. Je pointe le fait qu’il est regrettable de ne pas considérer l’impératif climatique comme un enjeu déterminant le futur des activités humaines. Il me semble plus stratégique de placer la compétitivité, non pas avant ou après le changement climatique, mais « à l’intérieur » de cette réalité. Surtout le raisonnement du Groupe de contact des entreprises de l’énergie refuse d’explorer les pistes d’une compétitivité nouvelle qui reposerait, non sur l’aménagement à la marge du système actuel, mais sur les mutations profondes d’un modèle énergétique pour entrer enfin dans une économie plus respectueuse des enjeux écologiques de moyen et de long terme. Tout se passe comme si les représentants des entreprises refusaient de reconnaître les intelligences disponibles, les innovations en cours et les propositions construites de plusieurs experts qui démontrent qu’il est possible de créer de la richesse et de l’emploi en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Déjà fin 2011, Christian de Perthuis, économiste reconnu, soulignait, dans le rapport Trajectoires 2020-2050 demandé par le gouvernement Fillon, l'impact positif pour l'emploi d'une réduction des émissions de CO2 de 30 % d'ici 2020, en comparaison des 20% correspondant aux engagements européens. Le quotidien La Tribune (6.11.2011) allait même jusqu’à écrire qu’il y avait là « une idée suffisamment subversive pour que sa publication ait été bloquée. » Plus récemment, les experts du CIRED sont venus rappeler que le scénario Négawatt permettrait de créer plus de 600.000 emplois d’ici 2030. Soyons certains que si les cerveaux du MEDEF, de l’UFE, de l’AFGaz et de l’UFIP s’organisaient pour penser dans ce sens – en intégrant la réduction des gaz à effet de serre comme contrainte structurante – ils proposeraient rapidement des pistes toutes plus innovantes les unes que les autres, au service de la compétitivité ET du climat.

La deuxième faiblesse des propositions des entreprises est de rien proposer d’autres que la préservation des « filières matures de production d’énergie qui surtout ne doivent pas être déstabilisées ». Le Groupe de contact des entreprises de l’énergie pousse l’ironie à argumenter cette nécessité de préserver les filières existantes au motif qu’elles « ont un rôle pivot dans la transition». C’est un peu comme si l’on proposait le changement en précisant qu’il ne faut rien changer pour justement pouvoir changer… plus tard ! Le texte précise que le parc nucléaire est un atout fondamental et que sa « prolongation durable » (SIC !) doit être recherchée… que le gaz étant une bonne énergie de complément, il convient d’évaluer le potentiel français de gaz de schiste… et qu’enfin « le pétrole restera durablement incontournable dans le transport ». Donc, on garde le nucléaire, le pétrole on rajoute du gaz de schiste, on développe (un peu) les renouvelables et voilà la proposition d’une transition immobile !

Rappelons ici que le terme même de « transition » signifie « passage d’un état à un autre ». L’état que nous voulons quitter est celui d’une politique énergétique insatisfaisante parce que sans avenir. Cette politique repose essentiellement sur le pétrole, le gaz et l’uranium, toutes matières importées au dépend de notre balance commerciale. La politique vers laquelle nous voulons aller, met en avant la réduction impérative de nos consommations énergétiques – tous domaines confondus – pour avoir quelque chance d’atteindre le Facteur 4 en 2050 (voir ma tribune précédente Débat énergie : il y a de l’électricité dans l’air !). Elle propose ensuite de couvrir nos besoins maîtrisés en développant toutes les solutions renouvelables qui par nature sont des solutions vraiment durables.

Entreprises de l'énergie: transition impossible?
Si le Groupe de contact des entreprises de l’énergie propose de concentrer la politique de maîtrise de la demande sur la rénovation du bâtiment et de continuer à encourager les progrès d’efficacité dans l’industrie et les transports, ces remarques sonnent creux quand elles passent après la priorité que ce groupe d’entreprises veut donner à la compétitivité de l’offre énergétique sans rien changer ou si peu au bouquet existant. L’audition du Président d’EDF, Henri Proglio, le 18 avril est venue rappeler l’état d’esprit avec lequel le management de cette grande entreprise aborde la transition énergétique. Questionné sur le coût de la prolongation du parc nucléaire, Monsieur Proglio n’a pas daigné imaginer que le débat national puisse proposer qu’une part des 100 à 120 milliards – ce sont ses propres chiffres – qu’il faudra investir dans les 20 prochaines années pour mettre à niveau le parc de production d’électricité, soit affectée à autre chose qu’à la prolongation des centrales nucléaires…

En fait, ces acteurs économiques se déclarent en faveur de la transition énergétique... surtout quand cette transition ne remet pas en cause le système actuel ! Il va bien falloir pourtant que nous changions la donne… La bonne nouvelle pourrait – peut-être - venir de certaines entreprises qui commencent à comprendre que cette transition vue par les uns comme une contrainte pourrait bien devenir une opportunité. Ecoutons et accompagnons donc celles-là… et laissons les dinosaures sur le bord de la route !

Bruno REBELLE

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