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"Face aux crises, une solution : la conversion écologique et sociale de notre société"

Billets / Tribunes

| Par Bruno REBELLE | Dimanche 5 Juin 2011 à 16:56 | 0 commentaire

Au moment où on observe que les émissions globales ont en 2010, battu un record historique, on remarque aussi une mobilisation croissante des territoires – régions et grandes agglomérations – qui entendent bien faire la démonstration que si la négociation internationale implique les états, la réduction des émissions dépend avant tout des actions concrètes qui sont mises en œuvre localement.


Le rapport de l’Agence internationale de l’énergie, publié fin mai a eu l’effet d’une bonne douche froide : l’année 2010 aura été marquée par des émissions de gaz à effet de serre en hausse de 5% par rapport à leur niveau de 2008. Le tassement observé en 2009, -2% attribuable à la crise économique, est donc largement effacé. Voilà les émissions mondiales reparties à la hausse, à l’inverse des ambitions affichées par la communauté internationale. Il sera dans ces conditions particulièrement difficile de tenir les objectifs rappelés à Cancun en décembre 2010, de limiter le réchauffement global à 2°C avant la fin du siècle, signifiant la division par 2 des émissions globales d’ici 2050.

Une observation rapide de ce dérapage des émissions en 2010, souligne deux évolutions majeures : les émissions progressent surtout dans les pays émergents et ces progressions sont essentiellement le résultat d’un recours croissant aux combustibles fossiles pour la couverture des besoins énergétiques.

Le rapport de l’AIE souligne en effet que la part des BRIC (Brésil, République d’Afrique du Sud, Inde et Chine) est en effet passé entre 1990 et 2010 de 35% à 44% des émissions mondiales. On serait donc tenté de fustiger ces pays émergents qui ne contrôleraient pas leur croissance. Mais une observation plus fine souligne l’énorme inégalité qui persiste entre pays industrialisés et pays émergeants. Il suffit pour mettre en lumière ces disparités de comparer les émissions par habitants et de s’écarter de l’image trompeuse que donnent les émissions par pays. On constate alors que l’OCDE est encore loin devant avec une moyenne de 10 tonnes d’équivalent CO2 par habitant et par an, la Chine pointe à 5,8 tonnes et l’Inde à 1,5. La lutte contre le changement climatique constitue donc un double défi. Défi écologique pour contenir les émissions dans les limites qu’autorisent les conditions géophysiques de notre biosphère. Défi démocratique également, pour conduire les arbitrages collectifs permettant d’organiser un partage équitable des efforts à engager pour réduire ces émissions. En d’autres termes, la seule règle d’équité qui serait universellement acceptable consisterait à allouer à chaque habitant de la planète, quelque soit son pays de résidence, un quota standard d’émissions correspondant à une répartition équitable de ce que la population mondiale ne doit pas dépasser.

Cette recherche d’équité est un défi d’autant plus colossal que si la croissance démographique chinoise marque le pas, la population indienne vient de passer 1,2 milliard et devrait encore augmenter de 500 millions dans les 40 prochaines années.


Le deuxième enseignement du rapport de l'AIE, est que l’essentiel des augmentations d’émissions est directement corrélé à l’augmentation de la consommation énergétique. Cette augmentation est même indexée sur la croissance économique. On apprend par l’OCDE que la croissance économique mondiale s’établie à 4,6 % pour la période 2008 – 2010. Avec des émissions en augmentation de 5%, démonstration est faite que le découplage n’est pas acquis, loin s’en faut. Plus préoccupant, on constate une fois encore la prépondérance du charbon dans ces augmentations d’émission. La révolution énergétique n’est pas acquise non plus.

On pourrait, à l’analyse rapide de ce rapport, sombrer dans le pessimisme au moment où les négociations climatiques reprennent à Bonn pour préparer l’échéance de Durban. Pour ma part, si je ne peux gommer des inquiétudes bien légitimes, je garde un fond d’optimisme en constatant la mobilisation croissante, d’une part des territoires, d’autre part des entreprises, pour mettre en œuvre des mesures concrètes de réduction de leurs émissions. Les territoires, notamment les régions et les grandes agglomérations, engagent des stratégies d’aménagement visant à densifier les zones urbaines, à relocaliser l’économie et à réduire les besoins de mobilité tant pour les personnes que pour les marchandises. Ces collectivités territoriales développent aussi des initiatives pour offrir des transports alternatifs moins émetteurs en même temps qu’elles soutiennent les innovations industrielles qui permettront demain de proposer des solutions durables de mobilité non carbonée. Ces territoires devront aussi mettre en œuvre des mesures innovantes pour mobiliser les ressources colossales qui seront nécessaires pour financer la rénovation énergétique du bâti existant, secteur qui constitue le principal gisement d’économie d’énergie et donc de réduction des émissions.

Mais pour renforcer encore leur action ces territoires devraient pouvoir compter sur des cadres réglementaires plus favorables. Ainsi, on peut regretter que l’Union Européenne peine à imposer des objectifs contraignants en matière d’efficacité énergétique. La stratégie européenne sur ce sujet, publiée au mois de mars, est dramatiquement silencieuse sur cette nécessaire contrainte. Elle renvoie à 2013 une obligation qui aurait du être concrétisée il y a déjà plusieurs mois.
Pour optimiser leur engagement, les territoires devraient surtout pouvoir bénéficier d’une certaine autorité pour définir à leur échelle des politiques énergétiques qui leur permettraient de concrétiser des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Comment, par exemple, poursuivre de tels objectifs quand, en France, le gouvernement continue à promouvoir, fusse à demi-mot, l’exploitation des gaz de schistes ouvrant la voie à plus de combustibles fossiles et compliquant de facto les efforts des promoteurs des énergies renouvelables.

Gageons que la mobilisation des gouvernements locaux pèsera de plus en plus, à la fois sur la négociation internationale mais aussi et surtout sur le cadre réglementaire national et européens pour plus de cohérence dans les politiques mises en œuvre aux différentes échelles territoriales. La concrétisation des objectifs de réduction pour limiter le réchauffement global à 2°C ne pourra faire l’économie de cette cohérence optimisée.

Bruno REBELLE

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