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"Face aux crises, une solution : la conversion écologique et sociale de notre société"

Billets / Tribunes

| Par Bruno Rebelle | Mardi 19 Octobre 2010 à 16:25 | 4 commentaires
Les MDD pas très DD !
En prolongement, de ma précédente interpellation à l’égard de la grande distribution, il me semble intéressant d’ouvrir le débat sur les MDD : les marques de distributeurs qui vont à l’encontre, me semble-t-il de nombreux principes du développement durable.

Les MDD se sont ces produits vendus par les grandes marques de distribution sous leur propre nom, mais qui sont en fait fabriqués par des entreprises qui ont progressivement abandonné leur marque initiale pour fournir les distributeurs. Ainsi, le consommateur qui hésite entre le yaourt de Carrefour, celui d’Auchan ou de Leclerc serait certainement surpris d’apprendre que ces trois produits sortent effectivement de la même usine, et parfois même de la même chaine de production… qui n’appartient ni à Carrefour, ni à Auchan, ni à Leclerc mais une entreprise spécialisée de longue date dans la transformation de produits laitiers.

Il n’est donc pas ici question de différentiation par la qualité mais bien de pratiques marketing qui visent avant toute chose à renforcer l’image de la marque du distributeur. Voilà donc notre consommateur, bercé au « consommer mieux » de Carrefour, rejoindre l’hypermarché Carrefour pour remplir son caddie de yaourt Carrefour, de pain Carrefour, de plats préparés Carrefour, de cahiers Carrefour, de jus d’orange Carrefour... Il aura même la possibilité de prendre son assurance Carrefour, de changer son téléphone pour passer chez Carrefour Mobile et de réserver son prochain spectacle au guichet Carrefour loisir. Heureusement, il pourra aussi acheter quelques mouchoirs jetables Carrefour pour pleurer devant tant de « carrefourisation » d’une vie guidée, voir formatée par la grande distribution.

Mais coté business, les produits MDD ont un autre effet pas moins pervers. La substitution progressive, mais quasiment irréversible de la marque du producteur initial, par la MDD rend ce producteur de plus en plus dépendant de la grande distribution. Nous savions déjà que les pratiques d’achat par les distributeurs étaient terribles : pression permanente sur les fournisseurs, négociations humiliantes pour les représentants des producteurs, refus d’accepter certains lots sans autre motif que de souligner la dépendance du producteur au distributeur, et bien sur des prix toujours tirés vers le bas ! La suprématie des MDD vient tordre encore le rapport de force au bénéfice du distributeur. Puisque la « marque » du produit est le seul élément de reconnaissance pour le consommateur, et puisque le producteur a perdu le contrôle de sa marque, il n’a plus d’identité vis à vis du consommateur et se retrouve donc pieds et poings liés face au distributeur. Il est donc facile pour le distributeur de menacer le producteur de le mettre à l’écart du jour au lendemain pour aller s’approvisionner chez un autre fabriquant qui aura accepté des conditions de vente encore plus précaires… Il est bien évident que cette logique qui tend à tirer vers le bas les prix n’est guère propice à l’émergence de produits plus responsables.

Il y aurait pourtant une solution pour rééquilibrer – un peu – cette situation. Si le législateur imposait au distributeur d’afficher l’identité effective du producteur, il serait possible alors au consommateur de se rendre compte que la MDD n’est qu’une supercherie marketing. Pourrait alors s’établir entre le consommateur, le distributeur et le producteur un dialogue à trois pour parler de qualité, de conditions sociales et environnementales de la production et de partage de la valeur ajoutée tout au long de la chaine.

Une telle mesure apporterait surtout un peu de vérité et de transparence dans ce secteur… Deux conditions, semble-t-il, indispensables pour progresser vers plus de responsabilité et de durabilité.


Bruno Rebelle

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Commentaires

1.Posté par Katia le 19/10/2010 17:08
Bonjour ! Votre analyse, bien qu'intéressante, me paraît un peu simpliste...
Le temps où les yaourts (et autres produits) MDD de toutes les enseignes étaient exactement les mêmes est dépassé depuis bien longtemps ! Les MDD innovent, développent et se différencient depuis maintenant plusieurs années. Elles deviennent des "vrais produits", parfois plus innovants et de meilleure qualité que les marques nationales. Et ce sont les MDD qui ont souvent permis à des nouveautés comme le bio ou les produits équitables de se généraliser et de toucher un public plus large (même si cela génère de nombreux problèmes pour les enseignes spécialisées dans le bio). Bien sûr, personne n'est dupe, la grande distribution fait cela avant tout pour augmenter son chiffre d'affaire, mais comme n'importe quelle entreprise, non ?
En revanche je suis entièrement d'accord avec vous sur le fait que les MDD augmentent encore le pouvoir de la grande distribution face aux producteurs, et c'est surtout sur ce point que les pouvoirs publics devraient agir : les diverses tentatives dans ce sens au cours des dernières années n'ont malheureusement pas changé grand chose...
Mais dans cette histoire rien n'est tout blanc ou tout noir : le consommateur a aussi sa part de responsabilité, car c'est aussi à lui d'être attentif aux produits responsables lors de ses achats, et de ne pas se focaliser uniquement sur le prix.
En tout cas, réduire les MDD à une simple "supercherie marketing", et dire qu'elles vont par définition à l'encontre du DD, me semble très réducteur !
Au plaisir de lire vos réactions sur ce sujet.

2.Posté par Bruno Rebelle le 19/10/2010 19:53
Je réagis à votre réaction en vous remerciant de votre réactivité !
Mon poste est court et en cela il est probablement un peu réducteur, je vous l'accorde. En revanche, je ne vous suit pas complètement sur l'idée que les MDD seraient ou auraient été des stimulants de l'innovation. Il me semble plutôt que l'innovation est le fait des producteurs et des marques qu'ils portaient en propre. A la demande des distributeurs ces producteurs ont certes été conduits à proposer des innovations pour favoriser la différentiation d'un produit. Mais il me semble assez évident que ces mêmes producteurs auraient été de la même façon amener à l'innovation pour défendre et promouvoir leur propre marque dans l'hypothèse où il n'auraient pas été "absorbés" par la distribution...
Comme vous le dites les MDD sont devenues des marques à part entière et en cela elles ne sont pas, en matière d'innovation, radicalement des marques "classiques".
Je suis content de constater que, par ailleurs, vous me donner raison sur le fait que les MDD ne font que renforcer la dépendance des producteurs vis à vis de la grande distribution. Et c'est en cela me semble-t-il que la suprématie des MDD ne permet pas vraiment de tirer les produits vers des pratiques plus durables et plus responsables. La distribution tire les prix vers le bas et ne s'intéresse guère au long terme... alors que les producteurs ont besoin de prix juste et de vision de long terme pour améliorer les conditions sociales et environnementales de l'élaboration de leurs produits.
Je ne vous suis pas non plus sur l'argument qui voudrait que les MDD ont été un levier essentiel pour le développement du bio. J'ai plutôt la conviction que la grande distribution a senti l'attente du bio et a intégré l'approche bio dans sa stratégie MDD.. avec les mêmes effets pervers : des prix pas suffisamment rémunérateurs et des marges très augmentées... au bénéfice, une fois encore de la grande distribution.
Enfin, je vous l'accorde le consommateur à sa part de responsabilité. Mais pour cela il lui faut aussi des moyens d'information... la mention du producteur effectif au coté de la marque distributeur me semble un élément de réponse.


i

3.Posté par Mike METZ - markéteux sur le départ et botaniste heureux le 29/10/2010 13:21
Si on allait un peu plus loin dans la réflexion des MDD et des marques de producteurs / fabricants ?

Exemple : un producteur de semences célèbre dans son milieu (Radis & Capucines) a conçu des produits écologiques sympas afin de permettre aux publics de s'initier au jardinage. Cette marque a travaillé longtemps en sa marque propre, et aujourd'hui diffuse en MDD chez les enseignes comme Botanic ou Nature & Découvertes, pour ne citer qu'elles. N&D par exemple cite la marque du fabricant, N&D reste transparent vis à vis de son fournisseur. Ca n'est pas le cas pourtant chez N&D pour tous les produits... On voit bien alors que même dans une enseigne orientée DD, il y a encore du chemin à parcourir.

Chose intéressante à noter : N&D est resté dans les gammes de prix que R&C pratiquait sur les mêmes références,. Pas de politique de prix vers le bas donc, pas (a priori) de marges arrières, etc.

Si la GD pouvait s'inspirer de démarches comme celle de N&D ou comme celle de Botanic, sans doute les fabricants auraient-ils une vie plus simple et agréable ?

4.Posté par Bruno Rebelle le 29/10/2010 19:02
Effectivement l'exemple souligné par Mike est intéressant. Il y a probablement un boulot intéressant
à faire de repérage d'initiatives de ce type pour constituer une sorte de banque de bonnes pratiques que nous pourrions alors promouvoir auprès de la grande distribution.

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