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"Face aux crises, une solution : la conversion écologique et sociale de notre société"

Billets / Tribunes

| Par Bruno REBELLE | Jeudi 7 Mars 2013 à 08:18 | 0 commentaire

En remettant en cause le régime fiscal dérogatoire pour le diesel en France, la Cour des comptes met le gouvernement au pied du mur de la transition écologique.

Tribune publiée le mardi 5 mars sur Rue 89


L’analyse est limpide :
- d’une part, la défiscalisation du diesel constitue un manque à gagner de 7 à 8 milliards d’euros et encourage l’usage d’un carburant dont on connaît maintenant la nocivité pour l’environnement et la santé publique ;
- d’autre part, on apprend au passage que le malaise des raffineries françaises – et la faillite de Petroplus – vient du fait que nous produisons en France trop d’essence que nous ne consommons pas, et pas assez de diesel que nous devons importer, aggravant un peu plus notre déficit commercial ;
- enfin, l’industrie automobile française est très mal en point, notamment parce qu’elle n’a pas su anticiper les mutations qui s’annonçaient, autrement qu’en faisant du Fordisme à l’envers : délocalisant la production de véhicules peu chers vers des pays à main d’œuvre sous payée.


Montebourg a tort : il faut sortir du diesel !
L’avenir est dans d’autres approches de la mobilité

Dans ce contexte, la déclaration de notre ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg (« attaquer le diesel, c’est attaquer le made in France, car nous sommes les meilleurs en diesel ») est vraiment pathétique.

Serions nous fiers d’être les champions du monde du cancer induit par les microparticules d’un parc auto majoritairement diésélisé du fait d’une politique fiscale iconoclaste ? Aurions nous déjà oublié les effets de l’amiante sur la santé des travailleurs et les comptes de la sécurité sociale ?

Nous aurions pu attendre d’un ministre en charge de l’avenir industriel qu’il regarde un peu au delà du col de sa chère marinière et qu’il engage avec les industriels du secteur une réflexion prospective sur l’avenir de la mobilité. Il aurait pu prendre exemple sur cet entrepreneur français qui depuis des années proposait un véhicule à usage urbain fonctionnant à l’air comprimé et qui a finalement trouvé preneur… en Inde.

Il pourrait s’inspirer du succès bien français de la Bluecar testée avec le système Autolib sur Paris et qui préfigure non seulement un autre modèle de véhicule, mais surtout une autre approche de la mobilité.

Nous pourrions espérer que le gouvernement saisisse l’opportunité du questionnement ouvert par la Cour des comptes pour impulser un processus concret de transition écologique et sociale appliqué à l’industrie automobile.


Aider les ménages à se séparer de leurs vieux diesel

Ce processus nécessite de combiner des mesures de court terme pour impulser la mutation, et des propositions structurantes pour consolider le succès à long terme des opérateurs français de mobilité. A court terme, nous pourrions utiliser une part des recettes de la fiscalité diesel restaurée pour aider les ménages modestes à changer leur vieux diesel pour un modèle essence plus économe et moins polluant.

Une retour sur les hoquets du développement du solaire photovoltaïque s’impose ici. Nathalie Kosciusko-Morizet avait tordu le coup aux tarifs incitatifs au motif qu’ils finançaient les usines chinoises de panneaux solaires. Elle oubliait au passage que la valeur du panneau ne représente que 20 à 30% du coût de l’installation et que la plupart des emplois créés en France étaient des emplois de service (conception, ingénierie, maintenance…).

Sa décision a détruit plus de 12 000 emplois en quelques mois. Il ne faudrait pas que Montebourg refuse d’imaginer des aides à l’abandon des véhicules diesel au seul motif – comme il l’a déjà évoqué – que ces changements favoriseraient des véhicules bon marché produits hors de France. La mesure d’urgence, pour impulser le changement, devrait donc s’accompagner d’un engagement de l’industrie automobile à rapatrier en France la production de véhicules essence ou hybride, légers et économes.


Demain, la voiture sera service

A long terme nous devrions nous attacher à développer les solutions de mobilité privilégiant l’économie de service – commercialisation d’une solution de mobilité – à la vente « classique » du véhicule. Il faudra alors proposer tous les accompagnements nécessaires à la mise en œuvre de ces solutions fondées sur l’usage, la multi-modalité, le recours préférentiel aux transports collectifs. Les acteurs français des transports, de la distribution, de la connectique et de la communication seraient aux premières loges pour créer des emplois dans ces secteurs.

La nouveauté sera ici de ne pas focaliser sur les seuls emplois industriels de production de véhicules mais d’explorer toutes les pistes ouvertes par le développement de ces services.

Certes cette mutation aura un coût. Il pourrait être couvert en partie par la fiscalité diesel restaurée. Surtout ce coût devrait être mise en regard des coûts de l’inaction, ou pour reprendre le propos de notre Montebourg national, le coût de notre prétendue excellence française.

Que seront demain les dépenses de santé publique imposées par le traitement des pathologies respiratoires liées aux microparticules de diesel ? Que coûtera la prise en charge des chômeurs produits par une industrie automobile déclassée par l’évolution des services de mobilité ?

Il n’y a plus aucun doute, même pour le diesel, le changement c’est maintenant !


COMMENTAIRES COMPLEMENTAIRES

Cette tribune aura moins eu un impact : celui de générer de nombreuses réactions. Toutes les critiques sont recevables et bonnes à prendre. Il y en a cependant une que je récuse : celle réduisant mon propos à celui d'un bobo parisien.
J'assume mon statut d'écologiste CSP+. Je travaille à Paris et même si je vis de "l'autre coté du périphérique" je reconnais également que mon expérience quotidienne de la mobilité est bien celle d'un urbain. Mon expérience professionnel m'a cependant conduit à travailler dans des zones rurales et notamment à réfléchir aux enjeux de mobilité dans ces territoires. Aussi, je maintiens mon propos. Il faut abandonner le diesel et repenser la mobilité comme un service dans les grandes villes, dans les petites bourgades et dans les zones rurales.

Ce changement de paradigme en terme de mobilité devra associer des mesures d'aménagement du territoire, de réorganisation de l'urbanisation, de dynamisation du réseau ferroviaire de proximité et de développement de nouveaux services. Tout cela ne se fera pas en un jour bien sur. Il faudra 15 - 20 ans pour faire évoluer nos modes de déplacement et c'est bien pour cela qu'il faut engager cette mutation au plus vite.

Dans cette évolution il restera évidemment des véhicules individuels, notamment pour les menages vivant en zones rurales ou en grande banlieue, éloignés des services de mobilités qui se seront développés. Pour couvrir ces besoins, il faudra bien que nos industries se soient convertis à la production - en France évidemment - de voitures peu consommatrices et donc accessibles à l'achat même pour les ménages les plus modestes. Ce redéploiement industriel pourrait sauver les emplois que l'industrie automobile est en train actuellement de détruire. Enfin, puisque nous avons su mettre en place au nom des valeurs républicaines d'égalité et de solidarité la péréquation tarifaire en matière d'énergie, pourquoi ne pourrions nous pas imaginer une forme de "péréquation mobilité" compensant les dépenses de déplacement contraint de ceux qui habitent loin des services de mobilité.

Deux dernières remarques pour compléter mon propos. La première pour rappeler comme certains commentateurs l'on fait qu'il faut aussi travailler sur les transports de marchandises pour privilégier la voie ferrée ou la voie d'eau à la route et optimiser la (petite) part de transport qui restera sur la route. La seconde pour souligner surtout que cette mutation ne se fera pas en six mois mais en une décennie au moins. Nous avons beaucoup de mal à imaginer aujourd'hui le "pas de temps" sur lequel ces transformations devront s'opérer. Nous devons apprendre à nous adapter en anticipant au mieux les changements de comportements, l'évolution des règles, les transformations industrielles et l'accompagnement des mutations de compétences qui seront nécessaires.

C'est bien cette capacité à changer qui nous manque aujourd'hui... Et nous devrons apprendre vite, ou bien nous n'aurons d'autres choix que de nous enfoncer dans le chaos durablement !

Bruno REBELLE

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Billets / Tribunes

| Par Bruno REBELLE | Jeudi 28 Février 2013 à 09:14 | 0 commentaire

Dans un article édifiant, l'équipe du Earth Policy Institute de Lester Brown, souligne les avantages comparatifs de l'éolien qui est en train de supplanter la production électronucléaire chinoise, autant pour la production actuelle que pour ses perspectives à terme. Une nouvelle preuve, s'il en fallait encore, du fait que l'avenir est bien aux énergies renouvelables. Puisse l'exemple chinois inspirer nos autorités et nos industriels et que la France sorte enfin de son "exception nucléaire".
Voilà une leçon chinoise qui pourrait inspirer le débat national sur la transition énergétique.


En Chine, le vent a dépassé l’atome. En 2012, les fermes éoliennes chinoises auront produit 2% de plus d’électricité que les centrales nucléaires. Et cet écart devrait se creuser significativement dans les prochaines années du fait des différences considérables de rythme de développement de ces deux options : le nucléaire progresse de 10% chaque année, quand les capacités éoliennes augmente de 80 % par an.

Avant la catastrophe de Fukushima en mars 2011 la Chine avait 10 Gigawatt de capacité nucléaire. Aujourd’hui encore 29 réacteurs sont en construction pour une capacité additionnelle de 28 Gigawatt. On notera au passage que la plupart de ces réacteurs sont en chantier depuis 2009. Les autorités chinoises continuent à annoncer que le parc nucléaire atteindra environ 40 Gigawatt en 2015, même si, en réaction à l’accident japonais, l’approbation de nouvelle construction de centrale a été suspendu en attente des revues de sécurité approfondies des unités nucléaires, que celles ci soient en fonctionnement, en construction ou en projet. Ce moratoire a été finalement levé en octobre 2012 en soulignant que seules les unités de la « Génération 3 » seraient approuvées, ces modèles étant considérés comme les seuls suffisamment sûrs. Pourtant la Chine n’a aucune expérience de la conduite de ce type de centrales, les seuls réacteurs de la « Génération 3 » étant encore en construction et confrontés à des retards importants du fait de la mise en œuvre de nouvelles recommandations de conception ou de construction imposées après Fukushima.
Chine : Quand le vent détrône l'atome !

En 2011 et 2012, quatre réacteurs affichant une puissance combinée de 2,6 Gigawatt ont été connectés portant la capacité globale à 12,8 Gigawatt. En dépit des annonces gouvernementales, il est peu probable que la Chine atteigne ses objectifs quand on observe le rythme des constructions et des connexions des unités nucléaires au réseau. Les autorités ont d’ailleurs déjà réduit de 30% leur prévision concernant la production électronucléaire en 2020.

Chine : Quand le vent détrône l'atome !
Les perspectives en matière d’éolien apparaissent beaucoup plus prometteuses. Les développeurs de projet ont connecté19 Gigawatt de capacité éolienne en 2011 et 2012. Il prévoit d’ajouter au réseau l’équivalent en 2013. On pointe souvent le retard du réseau électrique chinois, qui serait inadapté pour absorber ces nouvelles capacités dont la production est moins régulière du fait de l’instabilité des régimes de vent. Il apparaît cependant que les autorités ont produit les efforts nécessaires sur le réseau pour que 80% des capacités éoliennes – estimées à 75,6 Gigawatt soient effectivement connectées sur un réseau suffisamment performant. Ainsi, le pays devrait facilement atteindre son objectif de 100 Gigawatt de puissance éolienne connectée en 2015. La CREIA - Chinese Renewable Energy Industry Association – envisage sereinement d’atteindre 200 Gigawatt en 2020. Avec sept « méga bases éoliennes » en construction dans six province pour une puissance programmée de 138 Gigawatt, les projections de la CREIA semble plus que réalistes. Dans ces conditions, les chercheurs de Harvard

L’éolien affirme ici clairement ses avantages. Les ressources de vent sont sans limite. Les fermes éoliennes peuvent être construites rapidement, leurs émissions de gaz à effet de serre sont négligeables, et leur production réduit d’autant les besoins d’importation d’uranium dont la Chine est dépendante. Enfin, l’éolien est particulièrement intéressant dans ce pays exposé au manque régulier d’eau qui est indispensable au fonctionnement des centrales nucléaires ou thermiques. Avec l’attention croissante portée aux questions de changement climatique et de manque d’eau, la production éolienne est de plus en plus attractive.

Pour plus d’information, voir Earth Policy Institute’s Wind Indicator
et la mise à jour du Plan B “Fukushima Meltdown Hastens Decline of Nuclear Power

Bruno REBELLE

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Billets / Tribunes

| Par Bruno REBELLE | Vendredi 22 Février 2013 à 18:02 | 0 commentaire

Interview publié par ENERPRESSE le 22 février
Propos recueillis par Carole Lanzi


" En matière d’ENR, la politique industrielle devrait être européenne "
Quels sont pour vous les principaux enjeux du débat sur la transition énergétique ?

Nous devons, d’une part, nous placer dans une trajectoire répondant aux impératifs de la lutte contre le changement climatique et, d’autre part, traiter les questions liées à la structure énergétique de notre pays, notamment notre parc nucléaire vieillissant. Ce sont là les deux enjeux clés de la transition. Ils nous conduisent à nous interroger sur ce que sera la société en 2050, une société sobre en carbone et en énergie. C’est pour cela que nous avons proposé d’entrer dans le débat par l’interrogation de nos besoins énergétiques : Quels sont-ils aujourd’hui ? Que seront-ils demain ? C’est ensuite seulement que nous verrons comment couvrir ses besoins, en interrogeant également la composante institutionnelle de la transition, à savoir la part de politique énergétique qu’il faudra décentraliser.

Lors des Assises de l’énergie de Grenoble, fin janvier, vous avez déclaré attendre plus du débat territorial que des échanges du conseil national. Pour quelles raisons ?

Les acteurs du débat, au niveau national, se connaissent par cœur et nous savons qu’ils auront du mal à sortuir des postures habituelles. En revanche, je parie sur la multiplication des lieux de débat qui va faire émerger des propositions, mettre en lulière des réalisayion ou ouvrir de nouvelles perspectives.

Le secteur des transports n’est-il pas d’être un peu oublié ?

Il n’est pas oublié mais il reste, c’est vrai encore un peu en périphérie du débat. Les six mois de débat ne vont pas nous permettre d’aller au bout de tous les sujets. Nous devons nous concentrer sur l’évaluation de nos besoin et le meilleur mix énergétique pour y répondre ! Le débat ne va pas graver dans le marbre la trajectoire de la transition énergétique jusqu’en 2050. Il identifiera des sujets sur lesquels il faudra revenir dans quelques mois ou quelques années. Le transport fait probablement partie des ces chantiers qu’il faudra approfondir.

Quel poids devront avoir dans le débat les conséquences économiques et en termes d’emplois des choix énergétiques ?

Ces questions sont centrales. Je souhaite que l’on raisonne en bilan net en emplois. On perdra des emplois dans certains secteurs, mais il faudra se demander combien pourront être gagner dans d’autres secteurs. La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim concerne 1.500 à 2.000 emplois directs et indirects sur 5 à 6 ans. La baisse du tarif de rachat de l’électricité solaire a détruit l’an dernier plus de 10.000 empois. Les efforts de rénovation du bâti pourraient en créer 100.000 ! Le développement des filières industrielles dans les renouvelables nécessité une vraie ambition européenne. Si nous avions, il y a 10 ou 15 ans, associé plusieurs pays (France, Allemagne, Espagne…) dans les ENR, nous aurions aujourd’hui en Europe des acteurs comparable à ce qu’est devenu Airbus dans le secteur aéronautique.

Agissons vite, car il n’est pas (encore) trop tard !

Bruno REBELLE

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